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ESPAGNE

Bardenas Reales - Désert espagnol

Bardenas

BARDENAS REALES

DÉSERT ESPAGNOL

Janvier 2019

    Quand mon frère Philippe organise nos week end de fratrie, il fait ça bien. Cette année, il nous emmène avec notre frère aîné Nicolas au Désert de Bardenas Reales, en Espagne, faire de la randonnée. À 4 heures de Bordeaux (rallongées un peu par notre GPS espiègle qui me fait conduire à travers la ville de Pampelune à l’heure de pointe), le ville d’Arguedas sera notre point de chute. La nuit nous accueille dans ce village de bord de désert, tout comme le sont les rues. On est seuls dans notre auberge, mais on s’y sent bien. La tenancière nous dirige vers le restaurant du village (à 3 on arrive à comprendre assez de mots pour former une phrase), animé par quelques supporters de foot suivant le match à la télé. Le serveur est relax, efficace et en avant les tapas.

 

    Le lendemain, après une bonne brioche bien crémeuse spécialité de la région, on part marcher. Il fait à peine quelques degrés au-dessus de 0 et notre souffle se transforme en fumée. Du frimas recouvre le sol à perte de vue, sur une végétation qui n’est pas supposée connaître le froid. C’était pas ça notre accord Espagne !

    Le désert de Bardenas Reales s’étend sur 42000 hectares de terre argileuse et de monts érodés qui font penser à l’ouest américain, avec en son centre une base de l’armée de l’air, appelée polygone de tir. Le paysage infini rougeâtre et glacé est parsemé d'une brume matinale et nous conquiert instantanément. Le point de départ de notre balade est une petite maison abandonnée, au bord d’un ravin formé par un fleuve depuis longtemps tari. Près de là, l’emblème de la région: le Cabezo de Catildetierra, une petite montagnette en pointe, qui change d’aspect quand on en fait le tour.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     On y croise les seuls autres randonneurs qu’on verra de tout le week end. Je laisse les mâles essayer de trouver notre chemin d’après le guide qu’on potasse depuis deux semaines (le genre où la rose des vents qui indique le nord est remplacée par le squelette d’une tête de taureau). Après quinze minutes de stagnation, je décide de m’en mêler. Je suis connue pour mon absence totale de sens de l’orientation, mais une idée m’effleure : sommes nous au bon point de départ ? Mon idée a fait inception dans la tête de mes frères qui finissent par s’apercevoir que la maison devant laquelle nous nous trouvons n’est pas celle de la photo du livre et donc non, nous ne sommes pas au bon point de départ.

    Deuxième prise. Le bon départ est à un kilomètre de là, devant une autre petite maison abandonnée. Une longue ligne droite nous amène à un mont que nous escaladons. Le sol est friable et nous reste dans les mains quand on essaie de s’y accrocher. Du sommet, on se croirait au milieu de nulle part, avec des espaces tantôt rouge désertique, tantôt vert agricole. On entend régulièrement des tirs, que j’associe à la zone militaire.

    De retour en bas, Philippe nous laisse prendre de l’avance pendant qu’il vidange se vessie au pied d’une falaise. Au milieu de l’action, une voix l’interpelle des hauteurs. Il comprend plus ou moins, pendant qu’il range ses affaires, qu’on est au bord d’un espace de chasse et qu’on doit faire attention à ne pas entrer en zone dangereuse. Les tirs qu’on entendait ne sont donc pas ceux de l’armée, mais ceux de deux hommes qui essaient de trouver les lièvres et oiseaux qui nous ont dit bonjours sur le chemin. C’est frustrant, encore plus pour Philippe qui n’a pas réussi à finir ce qu’il faisait avant l’interruption… De toute façon, le chemin nous éloigne et nous dirige, d’après le guide, au sommet d’une montagne qui dévoilera un “paysage surréaliste”. D’en bas on y voit toute une famille d’aigles ou vautours, on ne s’y connait pas assez. On soupçonne la présence d’une carcasse animale ou d'un touriste perdu.  La montée nous dirige vers un plateau où Éole joue avec ses enfants. Ça explique pourquoi on peut apercevoir des centaines d’éoliennes dans le paysage. J’ai l’impression qu’elles peuvent alimenter tout le continent en énergie. On se trouve un coin un peu à l’abris du vent, avec vue sur le désert. Les aigles (on pense) doivent bien faire ma grandeur de bout d’aile à bout d’aile et ont simplement l’air de jouer avec les tornades de vent, ou peut-être s’aèrent-ils les dessous de bras, comme le suggère Nicolas. En tout cas, c’est à quelques mètres de ces magnifiques oiseaux qu’on sort notre pique nique franco-espagnol (pain, fromage de brebis, fruits secs, noix…). Mes frères me font de gros yeux quand je jette la croûte de mon fromage en direction des aigles. J’avoue, c’était pas malin, mais visiblement pas attractif pour eux. On en observe certains rejoindre leur nid sur la falaise. C’est sûr que pas grand monde ira chercher les oeufs par là, surtout pas Nicolas dont le vertige le rend de plus en plus mal à l’aise.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

       C’est pour ça qu’on se sépare, pour qu’il fasse un grand tour de beau chemin large, pendant qu’avec Philippe on descend une pente plus raide pour aller voir le castillo de Penaflor, jadis un château sur une colline; maintenant les restes de son fantôme sont en équilibre sur une colonne érodée. Un cafouillage de lieu de rendez-vous donne que Philippe me fait attendre à un point de vue, pendant qu’il retourne sur nos pas essayer de trouver Nicolas. On est pas sûrs d’où il va venir. Philippe me dit que s’il n’est pas revenu d’ici 40 minutes, on se retrouve à la voiture. C’est assez de temps pour me faire trop, beaucoup trop réfléchir. Pendant que je scrute le paysage, apercevant de temps en temps des cyclistes, je me dis que j’ai le double des clés de la voiture, donc au pire, je peux partir chercher de l’aide. Je ne connais pas l’adresse de notre auberge! Mais c’est vrai, elle est dans les dernières destinations du GPS qui est resté dans la voiture. Mon téléphone ne fonctionne pas en dehors du Canada, et de toute façon il n’y as pas de réseau ici. Il fait nuit dans trois heures. Je n’ai pas fait attention à combien de temps ça nous a pris pour venir jusqu’ici. Contrairement aux centaines d’indications de notre père, on a réalisé le matin qu’on n’a emporté ni lampe frontale, ni couverture de survie (pardon papa). On a aussi parlé des films 127 heures et Gerry (pas le film sur le chanteur, mais celui où Matt Damon et Casey Affleck se perdent dans le désert)... Vingt minutes plus tard, voilà les deux qui arrivent tranquillement. ON NE SE SÉPARE PLUS ! Dis-je.

 

    De retour à la voiture, on fait un tour et on s’arrête le temps d’observer le coucher de soleil, avec Louis Armstrong en fond sonore. C’est magnifique.

    En faisant un petit tour dans Arguedas, on croise des enfants déguisés. Ça nous intrigue. En les suivant l’air de rien, on se retrouve sur une petite place avec une bonne centaine d’autres personnes. Elles étaient où hier ? On se rend compte qu’il va y avoir un spectacle organisé pour l’Épiphanie, fête très importante en Espagne. Le monde n’arrête pas d’affluer, jusqu’à ce que, enfin, les rois mages arrivent sur leurs chevaux, apportant des offrandes à Jésus et ses parents dans la crèche. Une parade prend forme, mais notre estomac nous appelle. On retourne à l’unique restaurant, qui cette fois est bondé. Une table de dix retraitées est prise par un jeu de carte qui a l’air très sérieux, pendant que les hommes boivent au bar. C’est une serveuse aujourd’hui. Elle est très stressée, mais on arrive à comprendre que ça l’arrange si on revient dans une heure. Ça nous laisse le temps de rentrer laver la poussière d’argile dont on est recouverts.

    Une heure plus tard, on croise les rois mages, chacun assis sur son char, devant lesquels une ligne d’enfants attendant de se faire prendre un photo avec le héros, le tout réglementé par des elfes bibliques. Au restaurant, le fête bat son plein. Une table nous a été dressée dans le coin, la télé toujours allumée sur la chaîne du foot, et la serveuse pas moins sur les nerfs. On se paie la traite: sangria, tapas, salade de chèvre, et le dessert du jour dont on ne prend qu’une part parce qu’on a pas réussi à savoir ce que c’était. La serveuse avait l’air triste qu’on ait envisagé de ne pas en prendre, on a cédé. Après un suspense palpitant, elle arrive avec une crème brûlée.

 

    Le lendemain matin, après des croissants pleins de beurre, on part directement d’Arguedas pour notre nouvelle randonnée. Cette fois, c’est sur un terrain boisé qu’on marche. Deux renards nous observent de loin. L’un d’eux nous laisse juste voir ses oreilles bien droites en contre-jour du haut d’une butte, comme dans un dessin animé. On longe des allées d’oliviers et d’amandiers. On se sent vraiment dans le sud de l'Europe, surtout avec la température douce. Le ciel est bleu, dénué de nuages, et une crête nous dévoile la ville et les champs d’un côté, et le désert de l’autre. On peut voir tout le chemin qu’on a fait la veille et on s’impressionne.

    On arrive à une grande auberge fermée, appelée Virgen del Yugo. On y imagine des camps de vacances y séjourner, une grande cours avec barbecue, bancs et jeux leur donnant un goût de paradis. Un grand belvédère de bois retient un moment l’attention des mes charpentier et artiste-bricoleur de frères. Pendant qu’ils déconstruisent mentalement l’ossature bois du monument, j’admire la vue.

    On passe ensuite devant une ancienne bergerie de pierre, avant de longer un parc zoologique, où des zèbres partagent leur enclos avec des autruches et une gazelle. Les zèbres et la gazelle sont magnifiques (les autruches ont le regard trop perçant à mon goût). Les rayures des premiers paraissent dessinées par un algorithme informatique et lavées régulièrement avec un savon miracle qui traite aussi bien le noir que le blanc. On s’arrête manger non loin de là, avec une belle vue sur la ville, mais sans aigles cette fois.

 

    Après être passés près d’un énorme champ de panneaux solaires, la rando se termine devant des maisons troglodytes, qui sont des habitats creusés dans la roche, à flanc de montagne. Certaines ont l’air plus ou moins en l'état d'origine, d’autres sont un peu aménagées pour le tourisme. On se demande qui a vécu là, comment ça a été construit, combien de temps ça survivra encore, la fraîcheur que la roche doit apporter l’été…

    Le village est redevenu désert. On n’a croisé personne de la journée. Il est temps de retourner dans la civilisation. Au revoir Bardenas Reales !

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